Portrait d’une classe de musique : l’enseignante Ruby Ba mobilise la communauté pour réinventer un programme de musique

décembre 19, 2022
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En entrant dans la classe de Ruby Ba à l’école primaire John Norquay, vous verriez un local de musique vivant et plein d’instruments. Vous entendriez des jeunes gens confiants et bien intégrés échanger en plusieurs langues. Vous verriez une belle batterie soigneusement peinte à la main. Vous pourriez penser que ce local de musique bourdonne d’activité depuis des années. Cette classe qui offre des programmes diversifiés et un espace sécuritaire et convivial aux élèves est en fait le résultat de plus de dix ans d’efforts de la part d’une enseignante exceptionnelle et d’une communauté qui croient que les jeunes ont droit à une éducation musicale motivante et enrichissante à leur école.

Il y a plus de dix ans, Ruby, bachelière en musique et en enseignement de la musique instrumentale au secondaire, travaillait sur appel, allant d’une école à l’autre, jusqu’à ce qu’elle saisisse l’occasion de prendre racine dans la communauté de l’école primaire John Norquay de Vancouver, en Colombie-Britannique. Même après toutes ces années, ce n’était un poste d’enseignante à temps plein. Il lui a fallu plus de dix ans avant de pouvoir enfin se consacrer entièrement à son domaine de spécialisation, la musique.

« La musique est une source de réconfort pour la plupart des gens. Ce n’est pas une mauvaise idée d’en apprendre davantage sur une chose qui nous fait tant de bien. »

-Anderson, un élève à l’école John Norquay Elementary

Ironiquement, ce poste à temps plein lui a été offert au début de l’année 2020. En faisant l’inventaire du matériel à sa disposition, Ruby a réalisé qu’à l’instar de nombreux professeurs de musique au Canada, elle n’allait pas y arriver avec quelques guitares, ukulélés, et tubes sonores dépareillés. Ruby n’avait pas les ressources nécessaires pour répondre adéquatement aux besoins des élèves, même dans les meilleures circonstances (ce qui était loin d’être le cas durant les premiers mois de l’année 2020). Quand la pandémie globale a frappé, des enseignants comme Ruby ont réagi et se sont adaptés pour offrir des programmes de musique innovateurs aux jeunes qui en avaient plus besoin que jamais. « Beaucoup d’entre nous écoutent de la musique qui correspond à notre émotion du moment », a commenté Anderson, un élève de Norquay. « La musique est une source de réconfort pour la plupart des gens. Ce n’est pas une mauvaise idée d’en apprendre davantage sur une chose qui nous fait tant de bien. »

Norquay n’avait pas suffisamment de ressources pour équiper son programme de musique, mais l’école a pu miser sur un atout essentiel : la conviction du personnel, de la direction et des parents que l’éducation musicale est une priorité. Le comité consultatif des parents a mis la main à la pâte et rassemblé des instruments Orff et des percussions pour la classe. C’était un bon début et Ruby y a vu une occasion de faire encore mieux. « Je rêvais de fabriquer des tambours autochtones pour l’école Norquay » a-t-elle confié à MusiCounts, « mais nous n’avions pas les moyens financiers de réaliser ce rêve. »

Par chance, elle est tombée sur un dépliant du Programme de subventions Band Aid de MusiCounts dans un magasin de musique local. Elle s’est dit qu’obtenant du financement, elle pourrait concrétiser ses rêves de percussions autochtones et d’instruments de musique pour les élèves de son école. Forte des connaissances acquises dans un cours sur l’autochtonisation de l’enseignement de la musique donné par Sara Rhude à l’Université de Victoria, Ruby a senti qu’elle avait les outils en main pour mettre en œuvre son programme innovateur centré sur les besoins de la collectivité. Ruby a sollicité l’appui de Suzi Bekkattla, l’intervenante en éducation autochtone de son école, pour l’aider à lancer son projet de fabrication de tambours.

Quand elle a appris que le Programme Band Aid de MusiCounts avait accepté sa demande, Ruby l’a annoncé à ses élèves. « Certains élèves ont immédiatement compris ce que signifiait l’obtention de cette subvention, mais d’autres ne savaient pas très bien à quoi s’attendre, parce que c’était la première fois qu’une telle occasion leur était offerte », commente-t-elle. « Mais quand les instruments et le matériel de fabrication des tambours sont arrivés à l’école, les élèves ont été enchantés de ce cadeau du ciel. L’annonce de la subvention aurait été bienvenue en toute circonstance, mais après deux ans d’apprentissage et d’enseignement en situation de pandémie, la nouvelle était d’autant plus encourageante. Ce fut sans aucun doute la nouvelle de l’année. »

Il a fallu recourir à l’engagement et au dévouement de trois enseignants de septième année, du personnel de soutien des élèves autochtones, de la bibliothécaire, de la direction et de collègues retraités pour mettre en œuvre le programme de façon responsable et authentique. C’est vrai qu’il faut parfois tout un village, mais leurs efforts ont porté fruit. Grâce à ce programme, les élèves qui n’étudiaient qu’avec leur cohorte durant la pandémie ont noué de nouvelles amitiés et appris à comprendre les expériences vécues par chacun. Ruby ajoute que « les élèves qui ont participé au projet des tambours ont travaillé de leurs mains tous ensemble à leur fabrication. Ils ont écrit des histoires qu’ils ont peintes sur les tambours; ils ont joué du tambour et chanté ensemble; ils ont parlé leur langue maternelle et se sont sentis suffisamment confiants pour l’employer à l’école sans craindre que l’on moque d’eux. Et tout cela s’est passé dans le cadre des cours de musique. La musique n’est pas qu’une affaire de notes et de solfège. Il faut redéfinir la musique, et c’est ainsi que je vois la décolonisation de l’enseignement de la musique. »

« Ce fut sans aucun doute la nouvelle de l’année. »

-Ruby Ba, professeur de musique à l’école John Norquay Elementary, au sujet de la réception de la subvention du Programme Band Aid de MusiCounts

Le projet « Legacy », ainsi qu’on a appelé les ateliers de fabrication de tambours, a aussi permis aux élèves d’explorer quelques thèmes de la réconciliation. Les élèves « ont tissé des liens personnels avec le territoire en reconnaissant qu’[ils] sont tous des visiteurs sur les territoires non cédés des nations Musqueam, Squamish et Tsleil-waututh », explique Ruby. « Ce projet a fait vivre aux élèves une expérience concrète du territoire qui leur a permis d’explorer leur héritage et leur identité. » Jessica Sault, une aînée de la nation Nuuchahnulth, a fait cadeau à Ruby de l’autorisation d’enseigner le Chant de la gratitude. Les élèves ont interprété le chant lors de la remise des diplômes en juin, alors que les finissants se préparaient à quitter l’école pour un autre établissement.

« Aucun d’entre nous ne s’attendait réellement à participer à un projet comme celui-là. Ce projet a été très significatif pour moi », commente Anderson, « parce qu’il m’a vraiment aidé à nouer de nouvelles amitiés en septième année, après la COVID et l’isolement par cohortes. Parallèlement à ces nouvelles amitiés, ce projet nous a aussi permis de manifester notre soutien à la culture et à la communauté autochtones. »

La persévérance de Rudy est une source d’inspiration. Avec un projet porteur, l’appui de la collectivité et les ressources nécessaires, les enseignants peuvent déplacer des montagnes pour leurs élèves. Comme Anderson l’a si bien dit à MusiCounts, « cela peut sembler biaisé, mais je pense que l’éducation musicale est importante parce que la musique est tout simplement géniale. »


Si beaucoup de classes de musique canadiennes sont sous-financées, elles disposent d’une immense richesse, la passion et le dévouement des enseignants. MusiCounts offre des ressources pour aider ces enseignants à offrir ce qu’il y a de mieux en matière d’éducation musicale aux jeunes qui en ont le plus besoin. Il y a d’innombrables salles de classe qui ont autant de potentiel que celle de Ruby, et les enseignants ont besoin de notre soutien.

Faites un don à l’occasion des fêtes, et nous pourrons libérer ce potentiel et mettre le pouvoir de la musique à la portée des jeunes qui en ont le plus besoin.